Lettres sans réponse

Chère Europe,

Contente de te retrouver. D’ailleurs, sais-tu où je t’ai retrouvée ? Dans les rues interminables de l’Amérique du Nord. C’était il y a quelques semaines. Je visitais Toronto : cinquième plus grande ville en Amérique du Nord, centre économique du Canada, ville la plus cosmopolite du monde. J’ai voulu m’y perdre, puisque c’est comme ça que je rencontre une ville. Et je n’ai pas réussi. J’ai tout reconnu : les rues résidentielles perpendiculaires, les grandes artères commerçantes, le downtown financier avec ses tours de béton, le China Town lumineux et la Petite Italie fleurie. J’ai aussi vu des villes entières où marcher n’est tellement pas la norme qu’il faut appuyer sur un bouton spécial pour déclencher le signal piéton pour traverser.

J’ai marché dans des rues où pendant des demi heures entières je n’ai passé que deux types de commerces : des fast foods et des boutiques de vêtement. Les enseignes lumineuses agressaient mon œil en permanence. Oh je sais bien que toi aussi tu t’es laissée séduire par tout ça. Qu’à Paris, à Berlin ou à Amsterdam, on n’en manque pas. Seulement dans tes villes, on trouve encore assez de librairies, de galeries, de petits théâtres et cinémas, de magasins de petits métiers, pour offrir d’autres choses. Dans tes métros, on voit encore les gens lire.

Tes villes nous offrent aussi quelque chose qui n’existe pas ici : une invitation à déambuler. Tourner à un coin de rue, s’enfoncer dans le passage, atterrir sur une petite place. Se laisser surprendre, ne plus savoir dans quel quartier on est. Et pourtant, retrouver le chemin, par un instinct mystérieux qui fait qu’on s’y retrouve quand même, de Venise à Bruxelles, de Cracovie à Séville. Ici, dans la droiture des rues, il n’y a pas de place pour l’instinct. Ici je marche pour aller quelque part. Et c’est finalement là que je t’ai retrouvée.

À très vite

Lettres sans réponse

Ma chère Europe,

Je ne pensais pas t’écrire un jour. À vrai dire je n’étais même pas sûre que tu existes. Je l’ai appris en vivant depuis dix ans de l’autre côté de l’Atlantique. Ici tu me manques. Donc tu existes.

Ce n’est rien de très concret qui me manque. Bien sûr parfois, c’est le goût d’un fruit ou d’un plat, mais ces petits choses deviennent des caprices. L’essentiel est ailleurs. Ce n’est pas non plus la nostalgie du chez soi que vivent les immigrés. Moi me sens chez moi là où je peux créer.

Ce qui me manque, c’est toi loin du drapeau, loin des bureaucrates de Bruxelles.
Loin de la machine économique qui étouffe les peuples et engraisse les industriels.
Toi dans un autre portrait de famille que celui qu’on nous tire aujourd’hui :
le couple alpha France-Allemagne qui se tiennent la main,
un coup pour une accolade, un coup pour un bras de fer. Et assis devant, les enfants fainéants de la Méditerranée. Derrière, les adolescents traine-patins de l’est. Au fond, impeccables, les modèles scandinaves. Et de côté, un peu à l’écart, avec seulement un pied dans le portrait, l’île qui ne fait jamais rien comme les autres.

J’écris aujourd’hui à une Europe qui pourrait faire rêver, et pas seulement les pauvres et les réfugiés. Si tu as un moment, ma chère Europe, replie ton drapeau, range tes dossiers, et viens t’asseoir un moment. Que je retrouve un peu de quoi tu es faite.

À demain

Dans la loge de l'artiste

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Chansons contées, musique de film, chansons illustrées… voilà ce que propose Mathieu Bellemare. Un artiste original, authentique, solitaire. Le mieux pour saisir cet artiste, c’est d’aller se promener avec lui dans un parc, dans les rues, dans un cimetière, la nuit. C’est ce qu’on a fait, hors micro. Voici donc une entrevue comme un dessin inachevé.

1. Le réel est ailleurs

Et si notre imaginaire, nos désirs, nos peurs, étaient bien plus réels que les faits, les actions, et tout ce par quoi on se définit (le travail, les loisirs, le lieu de naissance) ? C’est le pari que fait Mathieu Bellemare dont les personnages abattent les masques du réel pour donner à voir notre vérité intérieure.

 »Dans loge de l’artiste » avec Mathieu Bellemare, épisode 1 : Le réel est ailleurs by Sarahroubato on Mixcloud

2. La nuit et ses vérités

La loge de Mathieu, c’est la nuit. Pas celle des bars et des tavernes , mais plutôt la nuit des paysages qui semblent dormir. Un marais, un cimetière, un parc de jeu. Un paysage où il semble que rien ne se passe, mais où des personnages prennent vie. C’est ce qui se reproduit dans le noir de la salle de spectacle, où on a l’impression d’être seul avec Mathieu pour un moment de vérité.

 »Dans la loge de l’artiste » avec Mathieu Bellemare, épisode 2 : La nuit et ses vérités by Sarahroubato on Mixcloud

3. Les avenues de la marginalité

Quand un artiste échappe aux catégories, il doit défendre son projet encore plus pour être programmé. Devant l’art multidisciplinaire de Mathieu, certains programmateurs de salle ne savent pas s’il faut le mettre dans la case ‘’’chanson’’, ‘’théâtre’’ ou encore ‘’conte’’. Mathieu parle librement du décalage entre ceux qui décident, fonctionnaires et businessmen conformistes, et le public, souvent plus ouvert, qu’il s’efforce de rencontrer directement. Au Québec les talents originaux ne manquent pas. C’est le courage de la plupart des programmateurs et des médias qui manque. C’est le but de cette émission : pouvoir parler de cette réalité.

 »Dans la loge de l’artiste » avec Mathieu Bellemare épisode 3 : Les avenues de la marginalité by Sarahroubato on Mixcloud

4.La vérité est surréaliste

Un escargot, un orphelin, Martin l’ami perdu près du marais, Fanny la jeune amoureuse au destin tragique, Dr Molotov. Les personnages de Mathieu sont des parts de lui, parfois totalement opposés, mais tous hors norme, décalés. C’est en faisant un détour par ces personnages surréalistes que Mathieu trouve son authenticité et se révèle.

 »Dans la loge de l’artsiste » avec Mathieu Bellemare épisode 4 : La vérité est surréaliste by Sarahroubato on Mixcloud

5. Le disque livre

Du spectacle de Mathieu est né le disque-livre Chants des marais et des morts. Un projet finaliste dans la catégorie « Innovation » des Grands prix de la Culture Desjardins et finaliste au prix de l’œuvre de l’année en région du Conseil des Arts et Lettres du Québec. Les dessins de Mathieu accompagnent le disque de ses chansons. C’est une toute autre expérience que le spectacle . Le personnage de Mathieu, si présent sur scène, disparaît. L’artiste cherche encore son medium, quitte à créer entre le public et les auditeurs une perception différente de son art. Producteur de son disque, Mathieu n’a pas pu signer de contrats de coproduction avec des éditeurs. Il a donc fait son disque livre autoproduit avec le soutien du CALQ, du Cirque du Soleil et du public. Grâce à ces aides, il a financé un tiers du coût total du projet. Au final, quand il va vendre à 30$ son disque livre dans les Archambault, il touche 1$.

‘’Dans la loge de l’artiste’’ avec Mathieu Bellemare, épisode 5 : Le disque livre by Sarahroubato on Mixcloud

LA SUITE À ÉCOUTER DEMAIN !

Dans la loge de l'artiste

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1. De la cave aux francos

Feu Chatterton n’échappe pas à la fabrication médiatique du mythe des musiciens qui sortent de leur chambre, de leur bar ou de leur cave, pour atteindre la célébrité. Pourtant ils le disent : le parcours était sinueux. Quand un groupe émerge aux yeux du grand public, c’est qu’il a déjà franchi beaucoup d’étapes.

 »Dan la loge de l’artiste » avec FEU CHATTERTON : épisde 1  »De la cave aux francos » by Sarahroubato on Mixcloud

2. La mode du vintage

Dans le look dandy et dans l’écriture précieuse, Feu Chatterton ne se cache pas d’un goût pour un certain romantisme passé. Quand d’autres se feraient vite catalogue de « chanson à texte » poussiéreuse, Feu Chatterton fait de cette langue, alliée au rock, une marque de fabrique et d’originalité.

 »Dans la loge de l’artiste » avec FEU CHATTERTON épisode 2 : La mode du vintage by Sarahroubato on Mixcloud

3. L’emballage visuel

Aujourd’hui un artiste de musique est obligé de passer par l’image pour se faire connaître. Le look, le clip vidéo, comptent autant voir plus que la musique. Tout en regrettant le temps où l’on pouvait savourer une chanson sans l’image, Feu Chatterton s’adapte et en profite pour élargir ses possibilités créatives.

 »Dans la loge de l’artist » avec FEU CHATTERTON épisde 3 :  »L’emballage visuel » by Sarahroubato on Mixcloud

Lettres sans réponse

Jeudi 7 août 2015

Aujourd’hui, je ne vois que des jeunes qui se démènent pour faire leurs projets tous seuls. Je ne vois pas quel aîné leur fait confiance. Qui enverrait un jeune qui n’a jamais fait de reportage couvrir un sujet difficile, avec son regard neuf ? Quelle maison de disque prendra encore une maquette mal faite, encore inachevée, pour ce qu’elle pourrait devenir entre leurs mains ? Quel journal prendra l’article d’un anonyme parce que l’article est bon, seulement pour ça ?

Alors nous en sommes réduits à demander aux lecteurs, au public que nous n’avons pas encore, de nous aider. Et c’est ainsi que naissent les financements participatifs. On demande au gens de payer en avance un produit qu’ils n’ont pas encore vus ou lus, sur la seule base de leur confiance en notre potentiel. Ce sont eux, les passeurs d’aujourd’hui. Mais eux n’ont pas les accès aux bourses, aux terrains. Il nous faut inventer de nouvelles structures et de nouveaux métiers.

Derrière l’écran d’ordinateur, on gère sa campagne de financement. On reste farouchement seul. Si on lâche personne ne viendra nous pousser. Un mentor c’est aussi une présence rassurante, on sait qu’il est là, qu’il nous encouragera, nous bousculera s’il le faut, et on le traitera de vieux con, et il nous prendra la main et nous aidera à nous relever. On se sent fier d’avoir su intéresser quelqu’un qui est reconnu dans son domaine. C’est autre chose que les dons de l’entourage, qui nous encouragerait quoiqu’on fasse.

Je voulais donc, Dr. Leackey, dire merci au passeur que vous avez été, en espérant que d’autres suivront votre exemple et aideront ceux qui auront eu la chance de les rencontrer au bon moment. Pour les autres…

C’est peut-être Mozart

Le gosse qui tambourine

Des deux mains sur le bazar

Des batteries de cuisine

Jamais on ne saura

L’autocar du collège

Passe pas par Opéra

Râpé pour le solfège

Jamais on ne saura

Pauvres flocons de neige

Pour un bon dieu qui naît

Cent millions font cortège

Allain Leprest, « C’est peut-être »

Dans la loge de l'artiste

We are not legends nest pas encore un documentaire ni un film. C’est à l’heure actuelle le projet d’une rencontre entre une jeune comédienne belge, Hélène Collin, et certaines communautés autochtones du Canada, en particulier les Atikamekw de Wemotaci. Une rencontre dont Hélène fait son art le plus abouti.

1. La rencontre, le processus (10’24)

Dans une société où l’on s’attend à ce que chaque individu planifie clairement son parcours académique et professionnel, Hélène retrouve dans cette expérience le plaisir de se laisser étonner.

2. Le ravissement de se laisser étonner (5’54)

Au départ de « We are not legends », le désir de sortir les Amérindiens des clichés dans lesquels ils sont enfermés. Les regarder pour ce qu’ils font et non pour ce qu’ils nous semblent être, des gens figés dans leurs légendes folkloriques ou dans leur état d’assistés sociaux. Faire comme eux : regarder les gestes des gens.

3. La langue, les gestes, défaire les clichés (9’13)

4. Hélène répond au questionnaire (4’13)

Nous avons eu le privilège de nous entretenir avec Hélène quelques heures avant son départ pour la Belgique, après un an passé au Canada…son départ, son retour ?

5. Le sens du retour