Je ne suis pas une femme qui écrit
Je ne suis pas une femme qui écrit. Je suis femme, et j’écris. J’écris comme souffle, comme regard, comme soif. À voix nue, j’ai eu envie de vous parler de ce que peut vouloir dire être une femme qui écrit et qui chante. À la table des femmes artistes encombrée des revendications féministes brutales, je cherche juste une place. Pour dire une petite vérité qui, loin des schémas confortables et binaires, cherche juste à exister.
Ecoutez les épisodes ci-dessous
C'est parce que vous êtes une femme
"C’est parce que vous êtes une femme ! » Je le remercie, mais je lui dis que non, ce n’est pas parce que je suis une femme. Il insiste. Il croit me faire plaisir. J’allume la radio. Débat sur l’écologie. Une femme sur le plateau, pour parler de l’éco-féminisme. Un homme pour parler de l’écologie tout court. Je zappe. Débat sur l’Afghanistan. Quatre invités : trois hommes pour parler de rapports de pouvoir, d’économie, de religion. Une femme pour parler… des femmes. J’éteins.
Sois belle et tais-toi
J’aurais aimé avoir une gueule. Une vraie. Les dents de Brel, le nez de Barbara, les oreilles de Gainsbourg, les dents de Leonard Cohen... Une vraie gueule, qui aurait mieux raconté mon caractère, mon trop-plein, ma gigantesque loufoquerie, mon côté fêlé. Au lieu de ça...
Je fais du 44 et je vais bien
« Madame, est-ce que je peux vous aider ? - Oui, bonjour, je cherche un pantalon noir évasé en 44 s’il vous plaît. Ou 46. - Quarante-quatre ? Mais vous ne faites pas du 44 rassurez-vous ! On ne va que jusqu’au 42. »
On est entre femmes... au secours !
Une femme dit : "Je me sens bien ce soir car nous sommes entre femmes". Je sens mes traits se figer. Je suis mal à l'aise.
Dommage, ça vous irait bien !
"Vous ne chantez pas du fado ? Dommage ça vous irait bien !" Si j'étais un homme, il ne me l'aurait pas dit. Une fille aux cheveux bruns bouclés et à la peau brune, forcément, ça « lui va mieux » l’espagnol, ou le fado, l'arabe ou le turc. Et tant pis si ma deuxième langue dans laquelle j'ai grandi est l'anglais et si je me sens bien plus chez moi dans un bon vieux folk.
Je me suis faite sculpter
Un jour, je me suis faite sculpter par une femme... Mon entièreté effraie, impressionne, fait reculer, inévitablement. On me l’a trop dit, et je l’ai trop vécu. Je ne fais pas semblant, je ne mets pas de masque, seulement je ne montre qu’un profil. Il n’y a pas trois personnes sur cette terre qui ont pris le temps de me regarder, en me tournant autour, pour vraiment me voir.
Écrivain, chanteuse, pisteure
La féminisation des mots
Pisteur. Le mot m’apparaît, évident et juste. Aucun doute possible. À mon oreille le mot sonne neutre. Ni masculin ni féminin. Comme on dirait tracker en anglais. Pisteuse ? C’est moche ! Mais si je mets pisteur, je les entends déjà : je n’assume pas ma féminité, je reproduis le patriarcat dans la langue, je refuse l’écriture inclusive. Mais moi je n’en veux pas, de cette féminisation. Je ne la renie pas, seulement elle n’a rien à faire là. Le geste que j’accomplis dans mon travail qui est ma vie, n’a rien de féminin.
L'universalité est masculine
D'où vient ce personnage ? Qu'est-ce qui lui arrive, est-ce qu'il est pauvre ou riche, blanc ou noir, c'est le dernier de mes soucis. Seulement j’écris en français. Et ce que je ne peux pas éviter, c’est de lui donner un sexe. Mon personnage doit être IL ou ELLE.
Voter pour une femme
Les femmes gouverneraient autrement, et mieux, parce qu’elles sont femmes. Elles seraient du côté du consensus, du pacifisme, soucieuses de la vie, et un monde gouverné par les femmes serait plus paisible. Il y a des jours où j’aimerais pouvoir me reposer dans le confort de ces certitudes.