Les Semeurs du changement
Les Semeurs du changement, ce sont des rencontres avec des gens qui nous montrent qu’il est toujours possible de faire un pas de côté pour s’inventer une autre manière de vivre. Des sources d’inspiration qui ne font pas la une des médias. Une éleveuse de chevaux qui amène ses chevaux de course de la Normandie au Minervois pour leur apprendre à vivre en troupeau pastoral, une sculpteure qui sculpte ceux qu’on ne voit pas – marins, détenus, religieuses dans les couvents, vieilles personnes en maison de retraite, un champion de boxe qui crée une mezzanine au-dessus du ring de sa salle pour offrir du soutien scolaire aux gamins, un boulanger qui fut marin, chimiste, apiculteur et qui dit qu’il oeuvre ses métiers, un chanteur qui écrit des chansons sur mesure pour les gens et les offres dans des lieux improbables comme des lavomatics, un paysan qui travaille sans moteur par traction animale, et qui accueille des jeunes pour qu’ils viennent réparer leurs ailes blessées, autour de l’animal, du piano à cinq feux de la cuisine et du piano à quatre-vingt huit touches du salon. Un metteur en scène qui fait jouer des jeunes dans les quartiers difficiles, des SDF, des détenus, des malades psychiatriques, sur les plus grandes scènes, un musicien volant qui joue du saxo et de la batterie en sautant en parachute montgolfière et basejump. Une galeriste parisienne spécialiste de la peinture du 17ème française qui un jour voit pousser un haricot et en est tellement bouleversée qu’elle part vivre dans les montagnes où elle distille de l’absinthe dans un vieil alambic et devient herboriste.
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Flo, l'art de vivre
"J'ai vu un haricot pousser, et j'ai décidé de tout plaquer"
Flo travaillait dans une galerie d’art à Paris. Spécialiste de la peinture du 17ème siècle française. Un jour, à la campagne, elle fait pousser un haricot. Et là, sa vie change. Elle quitte tout, part vivre dans les montagnes en Suisse où elle devient herboriste. Je la rencontre une nuit étoilée, au bout d’un chemin à flanc de montagne. Elle joue Satie sur son piano à côté duquel la choucroute fait « proute ». Elle joue aussi de luth, distille de l’absinthe sur un vieil alambic et fait ses étiquettes elle-même avec des plumes et encres de Chine. Elle a 30 ans. Et pourtant, elle a décidé de vivre à un autre tempo, et dans un autre rapport au vivant, à la réussite et à elle-même.
Julien, tracer des ponts
« C’est parce que j’ai le libre choix de mon activité que je vais bien »
Musicien volant… c’est un rêve de gosse, une lubie de fin de soirée, une réplique pour un personnage de dessin animé. Pour lui, c’est le réel. Julien est saxophoniste et tromboniste, sauf qu’il joue la tête en bas, suspendu sur une sangle tendue à 1000 mètres au-dessus du vide entre deux falaises, accroché à une montgolfière, un pont ou au clocher d’une église. C’est à presque 40 ans que ce père de deux enfants est devenu acrobate. Il a su réunir en une discipline son amour de la nature, du sport et de la musique. Pour ça, il a su investir chaque domaine et sortir du cadre, en explorant toutes les possibilités. Loin de la performance, Julien et ses acolytes ont su préserver leur capacité d’émerveillement et invitent les publics qu’ils rencontrent à faire de même. Dans un monde de l’hypersécurité et de l’angoisse du lendemain, ils réhabilitent le risque. Pas comme des inconscients, car leur travail demande préparation, précision et anticipation. Entre le village cosmopolite où il vit, la rivière où tout a commencé, une séance de planche à bascule, Julien partage sa vision de ce qui est bien plus qu’un métier, bien autre chose qu’un hobby : une manière de vivre. Il nous rappelle ce que peut vouloir dire être vivant : préserver notre capacité à nous émerveiller, se dire pourquoi pas, embrasser toutes les rencontres. Ne pas se contenter du monde tel qu’il est, mais tisser des ponts, au-dessus du vide, pour tracer un autre monde possible.
Olivier, habiter sa vie
« Je suis courtisan agricole. Sûrement pas exploitant. »
Des mots criés en catalan, d’une voix grave pour les bœufs et d‘une voix aiguë pour les chèvres qui font teinter leurs cloches . Dans la maison, le frémissement de deux ou trois plats sur le piano de la cuisine, avec en arrière-fond un concerto qui sort des enceintes, en attendant que l’autre piano, celui du salon, se fasse entendre après le repas. Voilà les sons de Méras, une ferme dans les Pyrénées ariégeoises. Trente hectares tenus par Olivier, un paysan, qui s’annonce non pas comme exploitant agricole mais comme courtisan agricole. Olivier a choisi de travailler sans tracteur, uniquement par traction animale, “au bon tempo”. Méras est aussi une maison ouverte, où beaucoup de jeunes viennent reposer leurs ailes blessées. Car auprès d’Olivier, on apprend bien autre chose que la traction animale. On y apprend à habiter un lieu, un métier, et sa propre vie.
Saïd, être champion de sa vie
« Si à travers la boxe j’arrive à recadrer des jeunes, à les remettre sur piste, pas besoin de champion du monde »
Au-dessus du ring de sa salle, une mezzanine qu’il a fait construire pour que les gamins des quartiers difficiles viennent recevoir du soutien scolaire. Sur le mur, des peintures des grands champions qu’un gamin de la salle a faites quand Saïd a vu qu’il peignait sur des petits cahiers. Un mur dédié aux femmes, car c’est ici que la boxe féminine française est née.
Pour diffuser ce portrait dans le cadre des veillées de Sarah Roubato, contactez-moi en cliquant ici.Alain, oeuvrer son métier
« J’ai toujours oeuvré mes métiers, même quand j’étais salarié. »
Alain a été marin, chimiste, apiculteur. Aujourd’hui il est boulanger, et ne travaille qu’avec des variétés anciennes de blé. En cultivant la diversité de ses graines, il acquiert son autonomie. Alain a toujours oeuvré ses métiers, ne pouvant les exercer qu’en suivant ses convictions. Des portes, il en a claquées. Des virages, il en a pris, et des raides. Mais toujours avec ce besoin d’exercer un métier qui puisse l’émerveiller chaque jour. Et à entendre l’ancien marin sortir ses pains du four, on ne doute pas que ce soit pour lui “À chaque fois, comme une aventure, comme un départ de régate”.
Serge, le théâtre côté marge
"Si un gars du Sénégal et un paysan de la Nièvre arrivent ensemble à lire Shakespeare, c'est qu'on a quelque chose en commun"
Serge est metteur en scène. Il fait jouer des détenus, des malades psychiatriques, des jeunes en foyer, des habitants de bidonvilles, avec la même exigence artistique que des professionnels, et les emmène sur les scènes de grands théâtres. Auprès de ces populations marginalisées, il retrouve ce qui lui semble être l’essence du théâtre, un lieu de remise en question de la société. « Avec eux les choses iront beaucoup plus loin. Ils sont bourrés d’émotions, de frustrations, de violence intérieure. Ils n’ont affaire qu’à la défaite, au regard de l’autre qui les dégrade encore plus et qui leur fait perdre confiance. Quand tu arrives à les canaliser par le jeu d’acteur et quand ils retrouvent cette confiance à travers un personnage ou un texte, ils vont très loin. Ça peut être explosif. Je suis tombé sur des bêtes de scène. » Serge a été celui qui a éveillé la vocation de l’acteur Sami Naceri et de son frère Bibi Naceri alors qu’ils étaient incarcérés. Dans ce portrait, Bibi raconte comment s’est faite cette rencontre avec le théâtre et avec celui qui, trente ans plus tard, est son acolyte. Je les suis pendant plusieurs jours dans un atelier où ils font jouer ensemble des adolescents de quartiers difficiles avec les Anciens de ce même quartier, deux solitudes qui ne se fréquentent pas habituellement.
Elie, faiseur de petits nous
"Pour faire communauté, il faut des gens différents. Parce qu'on est différent on ne se compare pas donc on s'écoute. C'est par la différence qu'on obtient la paix."
Il est chanteur public, écrit des chansons sur mesure, organise des soirées dans les laveries, donne des ateliers d’écriture, voyage au Kurdistan, « comme une proie ». Elie échappe aux catégories habituelles, se réinvente son métier d’artisan des mots, et trouve des formats originaux pour en faire un moment de rencontre. Le temps d’une machine dans un lavomatic, le temps de prendre un thé au Kurdistan, le temps d’un atelier d’écriture, Elie invite à créer un petit nous, basé sur la diversité des savoir-faires, des âges, des origines. On lui a souvent dit qu’il était dispersé. Mais Elie a appris à regarder autrement sa dispersion, et à en s’en servir comme d’une force. Il nous montre que pour chaque métier, il y a d’autres manières de faire à inventer. Sur la pochette de son album, pas de photos de lui. Seulement du public en train de le regarder. Le regard qu’il fait naître dans les yeux des autres, c’est ça la trace que Elie laissera dans le monde.
Cécile, trouver le bon geste
"Si j'ai trouvé le bon geste dans mon travail c'est que j'ai trouvé la bonne posture dans ma vie. Je suis à ma juste place et je ne parle pas d'une place sociale. Je parle d'un endroit entre soi et soi"
Cécile sculpte ceux qu’on ne voit pas : les marins sur leur cargo, les détenus dans les prisons, les vieilles femmes en maison de retraite, les adolescents en soins psychiatriques, les religieuses dans un couvent. Elle remue des clichés, fait bouger les lignes et les hiérarchies sociales et la manière dont les gens se perçoivent. La sculpture de Cécile nous invite à méditer sur le geste que nous imprimons à notre vie. C’est peut-être ça, qui compte le plus, le geste. Chacun sait s’il veut transmettre, chercher, briller, archiver ou découvrir, transmettre ou inventer, révéler, soigner. Le métier dans lequel nous commettons ce geste est le fruit du hasard. Lorsque Cécile m’a invitée à venir à son atelier pour faire son portrait, c’était à une condition : faire un double portrait. Elle me sculpte pendant que je l’enregistre. Voici donc un double portrait en miroir, de deux portraitistes. L’une travaille dans la matière, l’autre dans l’immatériel, l’une par l’œil, l’autre par l’oreille.
Hella, la liberté qui s'adapte
"J'ai dû m'adapter. J'ai demandé ce qu'il fallait faire, et je l'ai fait"
Quand elle a quitté une vie de château – littéralement – en Normandie pour traverser la France avec ses chevaux de course, Hella ne savait pas où elle allait. Dans la montagne dans le sud de la France, les chevaux, comme elle, ont dû réapprendre à vivre autrement. Les chevaux en troupeau pastoral, et elle dans un hameau, sans argent. Au-delà des chevaux, Hella parle surtout d’adaptation, de liberté, et de l’art de réparer, de redonner confiance. Car Hella récupère aussi des chevaux maltraités et leur réapprend à vivre. Même si on ne s’intéresse pas aux chevaux, écouter Hella nous en apprend beaucoup sur nous. Comment préserver sa liberté sans l’imposer aux autres ? Comment l’homme et le cheval s’adaptent à un changement de vie radical ?
Vous pouvez écouter le portrait complet ici :Leila, mère de vents et de marées
"J'avais envie que mon enfant soit intégré dans notre monde d'adultes sans pour autant travestir son enfance"
Pour se rendre au parc à 300 mètres, il peut mettre une demie heure. C’est que Milan salue tous les commerçants du quartier et les inconnus dans la rue. Ce petit garçon de 3 ans sait utiliser un couteau, jardiner, faire un feu, grimper aux arbres et participe à toutes les activités de la maison. Pourtant, il vit en pleine ville.Avec quelques décisions et beaucoup d’instinct, Leila sa maman décloisonne la famille nucléaire et les mondes de l’enfant et de l’adulte.Pour ça, elle tente de réhabiliter l’imaginaire comme outil d’éducation, d’entretenir le rapport au vivant, de cultiver la diversité et d’encourager la liberté du corps.Au sein d’une grande métropole, elle expérimente un mode de vie fait de constantes adaptations, que chacun peut envisager et adapter pour soi.Leila fait partie de ces parents qui à la phrase “Je ne veux pas offrir ce monde-là à mon enfant ont préféré se dire : “Je vais offrir à ce monde une chance : mon enfant”. Chacun à sa manière, chacun selon son histoire et sa quête.