Analyses

Les stars du show-biz, les politiques, les grands patrons, les intellectuels… ont sait que « ceux-là, ils vivent dans leur monde ». Mais nous, échappons-nous vraiment à l’entre-soi ? Dans nos loisirs, dans nos lieux de socialisation, dans nos engagements même ? Comment inclure la diversité des points de vue, des vécus, des situations, des ressentis et des priorités quand on oeuvre pour le commun ? L’entre-soi représente un défi existentiel pour l’engagement des personnes qui mènent un combat sociétal.

Les combats que nous menons nous engagent toujours au-delà de nous-mêmes. On ne revendique jamais pour sa petite personne, mais toujours en tant que membre d’un groupe, d’une condition sociale, comme citoyen ou pour les générations suivantes. Et pourtant, dans ces combats réside un danger qui, croit-on, concerne toujours les autres. L’entre-soi représente un défi existentiel pour l’engagement des personnes qui mènent un combat sociétal.

1. Les cartes postales de nos idéaux excluent les autres
2. La rigidité du point de vue n’est pas la radicalité de l’engagement
3. L’entre-soi est parfois nécessaire
4. L’Autre, ça s’apprend
5. Sortir de l’entre-soi
6. Oeuvrer à la dispute fertile

1. Les cartes postales de nos idéaux excluent les autres

« JE NE COMPRENDS PAS LES OPPOSITIONS ! »

Un jour sur un réseau social, je tombe sur un post d’un militant écologiste urbain légitimement convaincu qu’il faut dépolluer nos villes. Il faisait l’éloge de la ville de demain ainsi résumé, accompagné d’une image éloquente : 

Je ne comprends pas les oppositions à ce concept. Avoir tous les services essentiels à une distance d’1/4 d’heure à pied ou à vélo. Comment peut-on être contre ? Des routes plus sécurisées où tu peux te balader sans risquer de te faire écraser par une voiture ? Ce type de villes partout en France ? Mais on signe où ? Ce n’est pas une idéologie de bobo-parisien. C’est tout à fait généralisable et souhaitable en dehors de Paris (pour le peu que j’ai expérimenté, village(s) en Normandie et en Provence…).

Évidemment, avec pour modèle les chouettes quartiers de Paris, et les villages touristiques de Normandie et de Provence où se rendent les Parisiens en résidence secondaire, cette personne ne peut pas percevoir les enjeux des moyennes villes de France, et même du large Paris. Au lieu de reconnaître la limite de sa connaissance et d’aller s’enrichir de celle de l’autre, pourquoi réduire cette question complexe à un choix binaire entre deux photos, deux caricatures, et donc deux mondes irréconciliables ?  Pourquoi ainsi exclure d’emblée ceux qui n’aspirent pas à la ville-du-vélo en les considérant comme des limités du cerveau qui ne comprennent pas l’évident bon-sens de la ville idéale ?

Alors que les urbanistes connaissent les enjeux complexes de l’aménagement de la ville de demain, le débat public est dominé par ces cartes postales de la ville idéale d’où beaucoup sont exclus d’emblée les ouvriers qui ont besoin de transporter leur matériel en camionnette depuis la banlieue où ils vivent pour effectuer les travaux dans nos immeubles ; les musiciens qui jouent dans les lieux culturels et transportent leurs instruments dans des voitures bien trop vieilles achetées d’occasion pour aller toucher une misère de cachet ; ou encore les habitants des déserts médicaux qui doivent faire deux heures de route pour aller en ville voir un médecin.

image : Marin Bisson

« NOUS SOMMES LA JEUNESSE ! »

Lors des marches pour le climat de 2019, les associations militantes ont posté beaucoup de photos et de vidéos avec des slogans à la hauteur de l’engouement du moment. Réunies dans le 10ème arrondissement de Paris, un mouvement citoyen très actif poste des photos des manifestants et écrit en légende : « Ensemble, nous écrivons l’histoire ». Sous celles des milliers de marcheur.es, on lit : « Nous sommes l’avenir. » Pourtant, à bien y regarder, et comme l’ont montré les enquêtes sociologiques notamment celles de Maxime Gaborit et Yan Le Lann, 60% des participants ont un bac + 5 ou sont enfants de cadres ou de professions intellectuelles. La diversité culturelle et sociale n’était pas au rendez-vous. Les jeunes des périphéries étaient les grands absents de ces marches « de la jeunesse ».

La question s’est-elle seulement posée ? Aller vers les autres, qui vont nous accueillir avec méfiance ou hostilité, est une démarche moins glorieuse que de brandir un slogan au milieu de gens déjà convaincus. On préfère légitimement se sentir grisé par un cri collectif auquel on participe, plutôt que de faire du porte à porte et de peut-être se la voir fermée au nez.

« MONTRONS QUE NOUS NE VOULONS PAS DE FACHOS ICI ! »

Dans une région bastion de la gauche, le RN  rassemblé 19% des votes aux législatives. Quand, lors d’un nouveau vote d’élections partielles, des élus du RN viennent rencontrer leurs électeurs, le mot d’ordre est donné sur les réseaux sociaux  : « Venons empêcher ce rassemblement, faisons du bruit, les fachos ne passeront pas ! » De quoi se gargariser d’être du bon côté, et rentrer chez soi satisfaits. Mais aura-t-on fait renoncer les électeurs à voter RN ? Certainement pas, au contraire. L’efficacité de ce genre de manifestation tient dans la cristallisation des oppositions et des caricatures. Ainsi les manifestants entretiendront leur image de « gauchos écolos radicaux » et chacun s’en retournera chez soi encore plus convaincu qu’il a raison.

2. La rigidité du point de vue n’est pas la radicalité de l’engagement

Dans la société de l’image et du buzz, on a tendance à confondre la radicalité de la posture avec l’intensité de l’engagement. Plus on reste inflexible, campe sur ses positions et propose une vision radicale qui exclue toute autre manière de voir, plus on il se convainc de bien servir sa cause.  Au contraire, élargir son point de vue, le raffiner ou le revisiter pour inclure d’autres paramètres, est considéré comme un compromis. Et en France, le compromis est perçu comme un renoncement à la radicalité de l’engagement. Dans d’autres sociétés, il est la manifestation même de la maturité et du raffinement de la pensée. On préfère alors ne pas collaborer avec ce que l’on juge comme l’ennemi, quitte à priver la collectivité des bienfaits qu’une collaboration pourrait apporter.

Au lieu d’être des espaces de confrontation fertile des points de vue, les médias sont devenus les producteurs du spectacle du clash. Dans ces duels, il ne s’agit pas de rencontrer l’autre pour affiner, élargir ou enrichir notre point de vue. Il s’agit de renforcer son opposition. Aux patrons, aux chasseurs, aux bobos, aux fachos, aux gauchos, au Mâle Blanc, au Musulman…

Qu’on ne s’étonne pas du spectacle que nous ont offert nos élus à l’Assemblée Nationale. Incapables de travailler ensemble, monologuant ou aboyant les uns sur les autres, ils prennent les postures de l’Inflexible, du Révolutionnaire ou du Sage. Ils ont laissé passer la chance d’une assemblée sans majorité absolue qui aurait pu être celle d’un dialogue fécond des oppositions. Les enjeux sociétaux ne sont plus que des outils au service des postures.

3. L’entre-soi est parfois nécessaire

Une société des postures est une société de l’entre-soi. La promesse d’Internet de l’ouverture au monde a été abîmée par les algorithmes qui nous fabriquent un environnement qui nous ressemble. Il s’agit de retrouver ceux qui cliquent J’AIME aux mêmes endroits que nous.

Le phénomène de l’entre-soi n’est pas nouveau, et il a des vertus. Se retrouver entre gens partageant la même langue, la même religion, les mêmes références culturelles, le même métier, est un réflexe naturel et même ancré dans notre comportement de primate. Elle peut faciliter l’accueil, l’intégration à un nouveau milieu, les enjeux matériels, la confiance, à condition de ne pas s’y enfermer.

Au Canada, les études anthropologiques montrent que pour beaucoup de migrants venant de continents africains, asiatiques et sud-américains, les églises sont des lieux d’intégration puissants. En y retrouvant des personnes partageant leurs langues et leurs repères culturels, ils peuvent plus facilement accéder à du travail, du logement, à des espaces de rencontres pour les enfants. Mais parfois, l’entre-soi des migrants raconte une défaillance de la société plus grave.

« C’EST COMME AU BLED »

Un automne je me retrouve pour la première fois à loger et travailler dans le quartier de Molenbeeck, à Bruxelles. Le lieu qui m’accueille est implanté  là depuis près de soixante ans. Et la patronne l’a vu changer, ce quartier. « Avant tous les gens du quartiers venaient ici. Ils venaient de Grèce, d’Italie, d’Algérie, du Maroc, des pays d’Afrique. » Aujourd’hui, ce ne sont plus les habitants qui viennent ici.

Le lendemain, je vais au hammam que j’ai repéré juste en face. Un charmant jeune homme me reçoit. Il a vécu à Lille. Je lui demande s’il a aimé. Il me répond que non, « parce que c’est différent. Je préfère ici. Parce qu’ici, c’est comme au bled. »

Cette histoire n’est pas là pour faire une généralité sur les migrants d’Afrique du nord. Quand des Français retraités vont vivre fermés sur leurs riads au Maroc, ils recréent « leur bled ». Quand les vacanciers achètent des maisons dans les plus belles régions de France, rendant inaccessible le prix du foncier pour les locaux, ils créent aussi « leur bled ».  Ce qui est important de se demander, c’est pourquoi l’entre-soi se généralise à toutes les couches de la société.  Nous sommes tous capables de pratiquer les deux. Ce que nous appelons la « déconnexion des élites » nous concerne aussi.

4. L’Autre, ça s’apprend

Avez-vous connus les silences gênés lors des repas des famille quand un sujet d’actualité est amené sur la table ? On le recouvre vite de sourires polis, on fait un commentaire sur ce qu’on mange. Sur le chemin du retour, on se dit que c’est parce ce tonton, ou ce cousin, vit « dans un autre monde », qu’il doit regarder tel média, et que « c’est pas la peine ». On conclut qu’il vaut mieux « éviter ces sujets ».

Aller vers l’autre s’apprend. C’est une gymnastique émotionnelle et cognitive, bien difficile pour les personnes qui n’ont grandi qu’au milieu du même. L’entre-soi peut être un refus comme une incapacité à inclure l’altérité.

Vous êtes-vous déjà posé près de quelqu’un de totalement différent ? Ne vous attendez pas à parler de ce qui vous tient à coeur, ça lui est totalement étranger. Et même, la personne s’en fiche. Mais si vous l’écoutez, elle est prête à vous parler pendant deux heures de ce qui lui importe. Alors vous comprenez soudain ses questionnements, ses priorités, pourquoi elle accepte ceci, refuse cela, ne veut pas entendre parler de ça. Votre propre filtre vous apparaît alors. Un sujet sur lequel vous avez vos idées soudain s’élargit. Il devient plus complexe que les posts que vous avez likés. La solution qui vous semblait évidente vous apparaît un peu trop étroite. Vous ne renoncez pas à vos valeurs et à votre idéal bien sûr, mais maintenant vous cherchez à y inclure l’Autre.

5. Sortir de l’entre-soi

Sortir de l’entre-soi n’est pas renoncer à ses convictions ou à ses préférences, ni au juste confort qu’on ressent à s’entourer de personnes qui partagent les mêmes repères, les mêmes valeurs et les mêmes expériences. Cela veut juste dire qu’on (re)devient conscient d’appartenir à un monde de diversité et de complexité. S’entourer de ce qu’on connaît, aller là où on se sent à l’aise, ne veut plus dire qu’on renonce à comprendre ce qu’on ne connaît pas.

Cela veut dire que quand on défend l’ours en montagne, on inclut les éleveurs… et que les éleveurs incluent l’ours. Que quand on est un citadin écolo souhaitant dépolluer la ville, on inclut ceux qui ont besoin de voitures. Que quand on défend le respect des minorités, on ne transforme pas ceux qui font partie de la norme culturelle, sociale, ethnique ou sexuelle en ennemis.

Si je suis végétarien ou si simplement je mange peu de viande par conscience de la surconsommation d’eau et la pollution, je peux ne pas lever les yeux au ciel en passant devant la place du village où s’organise un repas de chasseurs. Je peux même aller à leur rencontre, partager leur repas si je mange de temps de la viande, et amener quelque chose de végétarien que je cuisine super bien, pour leur faire goûter. Moi qui passe pour un « bouffeur de graines », je vais leur faire goûter et je fais le pari que beaucoup adoreront.

Faire cette démarche, c’est rouvrir les voies de circulation de l’énergie du corps social, comme l’eau se remet à couler quand on retire les branches et les feuilles accumulées qui l’empêchent. Car le corps social lui aussi a ses noeuds, ses crispations, ses douleurs oubliées. Il compense et boite, se voute et se cambre.


6. Oeuvrer à la dispute fertile

C’est une chose d’aller tendre son micro pour récolter les opinions différentes, et de conclure que « chacun son opinion ». C’en est une autre de s’asseoir à côté de la personne qui a une vision différente, et d’écouter le récit qui l’a menée là.

Que nous ayons des opinions différentes, c’est signe de bonne santé et c’est de toute façon inéluctable. Mais que ces opinions deviennent des postures avec un refus d’entendre et d’intégrer la vision de l’autre à notre réflexion, est un véritable danger. Travailler à imposer sa posture, c’est oeuvrer à une société conflictuelle. C’est renforcer les fractures sociales. Bien sûr, le conflit peut être fertile. Et la France restera sans doute une société du conflit. Mais elle pourrait apprendre le conflit fertile de la tradition philosophique grecque dont elle aime tant se revendiquer.

Si nous ne travaillons pas à une culture de la dispute fertile, alors nous serons dans une société désagrégée d’entre-sois consensuels qui s’ignorent. Dans le monde qu’il nous restera, ceux qui crient le plus fort, qui ont la meilleure visibilité ou qui profitent de la désespérance des uns et de la démission des autres, décideront pour la collectivité. À moins qu’on n’y soit déjà ?

Ce qu'ils nous racontent

 

Mardi dernier le groupe Ayrad présentait son premier album au Cabaret du Mile End, dans le cadre du Festival du Monde Arabe. L’émotion et l’enthousiasme étaient au rendez-vous autour de ce groupe qui puise dans différents styles musicaux d’Afrique du nord avec de légères influences andalouses et des instruments modernes (clavier, basse). Autour de Ayrad Hamza Abouabdelmajid, cinq musiciens : Annick Beauvais au hautbois, Gabou Lajoie à la basse, Bettil à la batterie, Anit Ghosh au violon et Kattam aux percussions.

Les musiciens ont tour à tour pris la parole pour remercier les contributeurs de cette aventure qu’est la création d’un album. Un album, c’est une succession de choix que l’on fait : choix des chansons, de l’ordre, du lieu où enregistrer, choix du son. Sur scène, ce sont aussi des choix esthétiques, linguistiques qui vont tracer l’avenir d’un groupe et lui permettre de se distinguer et de durer.

 

Le choix scénique : décalages

Le groupe a commencé par envoyer du fort. Solos du hautbois puis réponse du violon, chacun éclairé tour à tour, puis décollage et enchaînement de pièces bien rythmées. Pourtant, dès le départ, l’œil du spectateur ne perçoit pas un ensemble. Côté jardin, Anit Ghosh et Kattam sont physiquement entièrement présents. Ces musiciens qui ramènent sur scène quelque chose des traditions musicales d’où ils viennent (Europe de l’est et Afrique du nord) : le fait que ces musiques se dansent et sont souvent des musiques de transe. Le corps de Anit est totalement investi de la musique qu’il joue, et Kattam, bien qu’à l’arrière avec son arsenal de percussions devant lui, ne se fait pas du tout oublier, tant il est tellement présent, secoue la tête, lève les yeux au ciel, s’engage dans chaque mouvement, danse debout. Plus tard il s’avance au-devant de la scène pour jouer des pieds sur une énorme percussion. À la fin il anime une séance de percussions des mains où le public forme deux groupes et découvre la polyrythmie. En Afrique, nombre de maîtres disent que pour être un vrai musicien il faut être capable de danser ce qu’on joue.

Côté cour de la scène, les deux musiciens leaders du groupe font contraste. Ce n’est qu’à la fin du spectacle qu’ils se sont laissés emporter par l’énergie du violoniste et du percussionniste, celui-ci entamant des pas de danse près de Hamza qui s’y est mis. On aurait voulu que cette énergie soit présente dès le départ, que tout le groupe sur scène forme quelque chose qui nous restitue l’esprit des musiques maghrébines : la fête du groupe. On avait là quelque chose qui semblait hésiter entre le band à l’occidentale où les corps sont presque là par hasard, et l’investissement des corps des traditions maghrébines et tziganes. Le batteur bien sûr ne pouvait pas faire grand chose. Quoique…

 

Le choix des instruments : batterie rock et percussions

Le batteur aurait pu faire quelque chose : jouer moins fort. On aurait apprécié davantage une batterie style jazz qu’une grosse batterie rock qui n’a pas sa place dans une formation où chaque instrument est également important et mérite d’être entendu. Ce n’est que dans la pièce sans batterie qu’on a vraiment pu entendre la virtuosité de Kattam aux percussions. L’alignement batterie-percussions, utilisée aussi dans de nombreux groupes latins à Montréal, est très difficile à maîtriser et mérite qu’on s’y arrête, car la batterie peut rapidement effacer les congas, djembés et autres instruments percussifs qui donnent toute sa couleur à la musique.

Le public ne s’y est pas trompé : j’ai pu entendre plusieurs personnes dans le public dire que la batterie était vraiment trop forte. Il est vrai qu’il n’y a pas de rapport entre l’agression du tympan et le soulèvement euphorique qui nous conduira à danser. Une guitare flamenca est bien capable de nous soulever une salle entière, car le sens du rythme n’est pas en rapport avec l’intensité du son.

 

Le choix communautaire : qui ne parle pas arabe dans la salle ?

Ayrad a joué les onze chansons de l’album, ainsi que deux reprises célèbres du répertoire maghrébin, pour le plus grand bonheur de tous. Ayrad a voulu embarquer le public dans un échange. À ceci près qu’il nous a demandé de répéter, sans se soucier que peut-être certains dans la salle ne parlaient pas arabe. Ce petit détail est d’une très grande importance, car il signifie que le choix est fait, et que le groupe cherche à atteindre un public communautaire. Ayrad parlait en français bien sûr, mais pourquoi ne pas nous avoir dit lentement les mots en arabe, quitte à prendre deux minutes pour nous traduire la partie à répéter ? J’ai pu voir des jeunes filles québécoises enthousiastes qui d’un coup ont fait des signes d’ignorance en voulant répéter, noyées dans une foule arabophone heureuse de retrouver sa langue et sa musique.

Qu’un groupe de musique permette à des immigrants de retrouver un lien avec leurs origines, c’est absolument nécessaire dans une ville comme Montréal. Mais ne pas inclure les autres, qui sont là pour découvrir et apprécier « l’autre », limitera la portée du groupe. Et c’est souvent cela qui, au Québec, différencie les artistes dits « du monde » qui resteront confinés à un public communautaire, et ceux qui feront des salles plus grandes, plus nombreuses et plus variées. Le choix d’intégrer sur scène des artistes venus du Québec et d’ailleurs inviterait donc à intégrer aussi le public non arabophone à cette musique qui parle à tous.

 

Le choix des thèmes : originalité ?

   Ayrad chante le pays, sa mère, l’amour. Des thèmes, il faut le dire, largement balisés par les artistes immigrants. Il y a des thèmes qui collent à la peau de certains artistes venus d’un certain milieu culturel : les latinos parlent de danser, les arabes parlent de leur mère, les africains parlent de la pauvreté. Pouvons-nous sortir de ces clichés pour que nos artistes venus d’ailleurs, mais bien ici, nous parlent aussi de notre réalité partagée ?

 

Comment sortir du lot ?

Montréal est un véritable écrin où des bijoux de musiciens formant une diversité unique au monde, sont prêts à nous donner le meilleur. De nombreux groupes remplissent chaque semaine les mêmes salles de Montréal, où le public se rend aux soirées « arabes », « salsa », « africaines ». Le multiculturalisme opère en étiquetant les artistes pour remplir une case carte postale et communautaire. Les groupes se créent, s’agrandissent, s’évanouissent, se recomposent.

Les choix de mise en scène, du public ciblé et des thèmes des chansons sont les éléments qui feront l’originalité d’un groupe dans une ville où mélanger le traditionnel et le moderne, et mélanger différents styles de musiques du monde, devient banal. Il faudra aussi des événements et des salles qui encouragent autre chose que la vente de cartes postales.