Je ressemble plus à un pilote qu’à un homme de la terre. On crève de ce qu’on nous fait faire pour les faire bouffer. Mais chaque fois la terre me reprend, comme si elle voulait crever avant moi.
Les paysans sont la profession en France avec le plus haut taux de suicide. Écrasés par les normes européennes, par la pollution des produits qu’ils doivent utiliser, par les dettes pour des équipements toujours plus grands, ils ont aussi perdu quelque chose qui ne se mesure pas : la reconnaissance des gens et la fierté d’être ceux qui nous nourrissent. Faire entendre leur silence, c’est nous interroger sur nous-mêmes. Qu’est-ce qu’un pays qui ne sait plus honorer ceux qui le nourrissent ?
Pour cette scène, j’ai enregistré chez moi les pas sur les feuilles qui craquent, le seau en métal, les vieilles portes, la paille. Un grand bonheur et une grande prise de tête, car pendant que j’enregistre, l’appareil enregistre aussi les vibrations de mes pas !
Le chant que vous entendez est un chant occitan d’éloge du paysan. Mettre ce chant sous le reportage au moment de la vente du hangar du paysan, est vraiment le type de chevauchement que j’adore. La précision du documentaire journalistique accueille un élément artistique qui vient l’élever à un discours plus universel. La célébration chantée du paysan nous rappelle ce qui est sacrifié dans ce mot cruel crié dans le mégaphone : « vendu ! »
Musique : Samaïa, « Lo Boier »